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Murmures d'Ayako

by Daniel Sibony

 

 

Ayako me montre ses récentes photos.
Je veux en voir d'autres, encore d'autres, car c'est beau.
Mais elle refuse, j'ignore pourquoi, d'en faire voir trop.
Il y a une forte retenue dans son acte de montrer.
Bien sûr c'est dépouillé, c'est "zen", dans une lumière tombante elle-même retenue,
qui donne des airs mélancoliques - si on y tient.
Des airs simplement autres, lointains, porteurs d'une absence. Elle sait se retenir de tout dire et en dire long dans la retenue, dans la tenue renouvelée, sereine et tendue et ténue.

 

Ça tient à si peu de choses que ça tient très fort.
Comme le mur désolé de la condition humaine.
J'aime les murs que fait voir et que cache Ayako.
Ils constituent tout un monde, un concentré de la lutte
entre l'immonde et l'ailleurs - d'une absence avertie et solide.

 

Je crois qu'elle veut nous mettre au pied du mur,
mur écran et miroir et tableau où s'écrivent par plaques désolées mais tenaces, les taches et les traces d'une histoire sans fin
dont le mur serait l'inconsciente retenue.
Le mur, face à face du monde avec lui-même
à travers l'homme qui est là, à ses pieds (à s'épier?)

 

 

Daniel Sibony

text by Gerard Xuriguera

Il n’y a pas grand bien à penser des civilisations qui n’ont pas de peinture de paysage » souligne Yves Bonnefoy. Ayako Takaïshi n’a pas eu besoin de se pénétrer de ce constat pour transposer dans ses photos l’esprit de ses paysages, de ses vues, citadines ou de ses intérieurs.

 

Discrètement marquées par ses origines, sa prédation visuelle l’a portée d’instinct vers l’espace ouvert, ses évidences et surtout ses retranchements. Car ce qu’elle traque  principalement, ce sont les replis cachés de la nature, par conséquent non pas le motif, mais l’idée du motif, en somme sa quintessence. Et les séquences qu’elle distingue et passe au tamis de sa perfection, apparaissent alors comme des confidences, irriguées par la même pente méditative semée de mélancolie.

 

La beauté d’un ciel tourmenté, l’évocation d’un horizon borné par une simple ligne, d’un périmètre boisé sous une lumière ombré, les lacis d’une rivière alanguie paré de reflets vaporeux, sinon des collines noyées dans la brume du soir, la saisie d’une lande désertique, l’envol ondoyant d’une mouette ou d’un oiseau picorant dans la neige, des murs fatigués chargés de mémoire, des bourgeonnement printaniers, d’humbles objets arrachés à leur anonymat ou encore des pans de cités endormis… Nous parlent ici de la solitude habitée, et composent une rêverie plus champêtre qu’urbaine, qui ne nous tiens jamais à distance, en recréant un monde dans sa plénitude et son extrême retenue.

 

On ne s’attardera pas sur les savantes opérations mécaniques et mentales qui sous  entendent la naissance de ces images sobrement décantées et traitées à l’argentique avant d’être finement retouchées, dans la mesure où prévalent avant tout leur  pouvoir d’incarnation et leur densité intérieure.

 

Fruit d’un patient apprentissage du regard, harmonieuse et ordonnée, inquiète sans violence, la démarche d’Ayako Takashi décline une indéniable présence.

 

Gérard Xuriguera 

 

still life 7ayako takaishi 2.jpg

text by G.Xuriguera
Translated in English by Ann Cremin

 

 

Ayako Takaishi makes photographic images, subtly handled, whose references are simultaneously those of pictorial effects and those of her recording eye’s subjective capturings.
Rejecting photomontage, ethnological documentation or a witnessing of events, her visual curiosity leads her to capture, within her camera, what her eye has suddenly noticed, and isolated, during its meanderings: urban or rural landscapes, still-lives or bodily fragments.

However, she does not render them inside their original identity, but after subjecting them to her imagination’s filter, and to what she profoundly feels, for she knows there is no truth beyond references, beyond shapes’ outwards appearances. The outcome of these absolutely, technically, mastered combinations, in which controlled blurrings highlight unexpected byways, within a happy symbiosis between sobriety and a discreet outpouring, never contradicts the passage of emotion.

 

 

 

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